À l’occasion de ses cinquante ans de création artistique, le peintre martiniquais Victor Permal se dévoile dans une monographie exceptionnelle aux éditions Lelivredart. Monté pli wô pou gadé pli lwen (« Monter plus haut pour voir plus loin ») retrace, à travers plus de 200 œuvres et neuf textes critiques, le parcours d’un artiste dont la peinture, à la croisée des héritages africain et indien, réinvente le langage pictural caribéen.
Comment traduire en formes et en couleurs l’aspiration à la liberté d’un peuple ? Cette question traverse l’œuvre de Victor Permal comme un fil rouge. Depuis son atelier niché dans la végétation luxuriante des flancs du volcan péléen, l’artiste a développé un expressionnisme qui bouleverse les codes de la représentation.
Une écriture picturale libérée des conventions
La technique de Victor Permal se caractérise par une gestuelle particulière, mêlant encre et huile dans une danse chromatique audacieuse. « La force, que l’homme et son travail dégagent, n’a de pertinence que par la fragilité qui la sous-tend », observe l’artiste Claude Cauquil. Cette tension entre puissance et délicatesse se manifeste particulièrement dans ses représentations équines, motif récurrent de son œuvre.
L’engagement au cœur de la création
Ancien prêtre engagé dans les quartiers populaires de Fort-de-France, Victor Permal a fait de son art un espace d’interpellation. « J’ai toujours souhaité que mes œuvres interrogent sur ma société d’appartenance », confie-t-il. Sa peinture explore les thèmes de l’identité, de la mémoire et de la résistance culturelle, tout en refusant l’exotisme facile.
La nature comme source spirituelle
La forêt martiniquaise occupe une place centrale dans son inspiration. Manuel Césaire, directeur des Tropiques Atrium, souligne « une immersion sincère et conversante » avec la nature. Cette communion se traduit par des œuvres où la végétation, transfigurée par une palette éclatante, devient métaphore de la résilience.
Un héritage multiple
Né d’un père indien et d’une mère africaine, Victor Permal a étudié les sciences sociales et économiques avant de se consacrer à l’art. Son parcours l’a mené du sacerdoce à l’engagement social, nourrissant une œuvre exposée internationalement, de l’Algérie au Québec.
Les textes qui accompagnent les œuvres sont signés par des personnalités majeures de la critique d’art caribéenne, dont Roland Suvélor (1922-2011) et René Louise, offrant un éclairage précieux sur la portée de ce travail.
Cette monographie constitue un document essentiel pour comprendre l’art contemporain caribéen et ses enjeux. À l’heure où les questions d’identité et de décolonisation culturelle sont au cœur des débats, l’œuvre de Victor Permal apparaît comme un manifeste pour un art à la fois enraciné et universel.