Jean-Marie Girard – Une expérience du réel
« Ne s’agit-il donc, en matière d’art, que de voir ? » Cette question, que Jean-Marie Girard pose dans son essai inédit Sur l’Art. Voir, nous guide au cœur de sa démarche. Dans ces pages, nous découvrons un artiste qui, loin des expérimentations abstraites de son époque, a choisi d’explorer la profondeur du visible, faisant de la contemplation du réel une expérience où le regard se fait révélation.
Les natures mortes qui peuplent son œuvre en témoignent admirablement. Un buffet de cuisine revient, tel un personnage familier : tantôt au centre de la toile, tantôt dialoguant avec une Cocotte-Minute sur un placard voisin. Les objets du quotidien – casseroles, bouteilles, fruits – se métamorphosent sous l’effet d’une lumière savamment orchestrée. « Pour moi, la peinture témoigne d’une expérience du réel. Je n’ai pas le goût de l’imaginaire », explique-t-il. Ses compositions, d’une rigueur mathématique, transforment l’ordinaire en présence rayonnante.
Cette alliance singulière entre précision constructive et sensibilité trouve sa source dans un parcours peu commun. Après des études de mathématiques supérieures au lycée Descartes de Tours, la découverte bouleversante de Cézanne dans un ouvrage des éditions Skira le conduit aux Beaux-Arts. Ses premières œuvres à la tempera explorent la forme et la couleur, avant que le passage à l’huile n’ouvre la voie à un travail plus complexe sur la lumière. Conservateur adjoint au musée des Beaux-Arts de Tours de 1954 à 1971, puis enseignant d’histoire de l’esthétique, il nourrit sa pratique d’une profonde connaissance des maîtres, de Chardin à Velázquez.
La Loire occupe une place privilégiée dans cette quête picturale. « C’est, pour moi, comme la Sainte-Victoire pour Cézanne », confie-t-il. Dans ses tableaux, le fleuve se révèle sous des lumières changeantes, tandis que ses verts, qu’il décrit finement comme oscillant « entre les ‘presque jaunes’ et les ‘presque bruns’ », témoignent d’une observation minutieuse de la nature. Cette attention au réel s’étend aux scènes de marché, notamment à Vinaroz en Espagne, pays natal de sa femme Rosita. Ses compositions monumentales, comme Les poissonnières de Vinaroz (1984), captent la vie grouillante des étals dans une symphonie de bleus et de gris que Pierre Courthion qualifiait de « palette des plus fines ».
De l’intime universel de ses natures mortes aux vastes horizons de la Loire, des ateliers de mécanique aux marchés méditerranéens, l’œuvre de Jean-Marie Girard nous invite à redécouvrir la beauté cachée du monde visible. Cette monographie retrace ce patient cheminement d’un artiste qui, jusqu’à ses derniers pastels en 2008, n’a cessé d’explorer ce que signifie vraiment voir.
24 x 30 cm
128 pages en couleurs
Couverture souple à rabats
isbn 978-2-35532-444-4
30 €
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